Dans le monde des instruments de musique, il existe des trésors dont la valeur dépasse l’entendement. Parmi eux, le « Messie » de Stradivarius règne en maître, estimé à la somme vertigineuse de 20 millions d’euros. Mais qu’est-ce qui rend ce violon si spécial, au point de valoir plus que certaines œuvres d’art ?
L’histoire du « Messie » commence en 1716 à Crémone, en Italie. Antonio Stradivari, alors âgé de 72 ans et au sommet de son art, façonne ce qui sera considéré comme son chef-d’œuvre ultime. Le violon, d’une beauté exceptionnelle, est fabriqué avec un soin méticuleux, avec les meilleurs matériaux disponibles.
Curieusement, ce violon extraordinaire ne quittera jamais l’atelier de Stradivari de son vivant. À sa mort en 1737, il passe entre les mains de son fils Paolo, puis est vendu au comte Cozio di Salabue en 1775. Le comte, collectionneur passionné, le garde précieusement sans jamais le faire jouer.

C’est Luigi Tarisio, un luthier italien, qui acquiert l’instrument en 1827. Fasciné par sa beauté, il en parle avec tant d’enthousiasme que le violoniste Delphin Alard s’exclame un jour : « Votre violon est comme le Messie : on l’attend toujours, mais il ne paraît jamais. » Le surnom est né, et il restera.
Tarisio conserve le violon jusqu’à sa mort en 1855. Jean-Baptiste Vuillaume, célèbre luthier parisien, l’achète alors et le garde pendant 20 ans, ne le montrant qu’à de rares privilégiés. À sa mort, c’est sa fille qui en hérite, puis le violon passe aux mains des frères Hill, négociants londoniens en instruments de musique.
En 1928, le « Messie » est légué à l’Ashmolean Museum d’Oxford, où il repose aujourd’hui. La condition du legs est stricte : le violon ne doit jamais être joué. C’est ainsi que le « Messie » conserve son état quasi neuf, comme s’il venait tout juste de sortir de l’atelier de Stradivarius.
Ce qui rend le « Messie » si exceptionnel, c’est justement cet état de conservation incroyable. Contrairement à la plupart des Stradivarius qui ont été joués pendant des siècles, subissant usure et réparations, le « Messie » est resté pratiquement intact. Son vernis original, sa table d’harmonie immaculée, et même les marques de l’outil de Stradivari sont encore visibles.
La valeur du « Messie » ne réside pas seulement dans sa rareté et son état de conservation. C’est aussi un témoignage unique du génie de Stradivarius au sommet de son art.
Les experts s’accordent à dire que sa sonorité serait exceptionnelle, bien que peu de personnes aient eu le privilège de l’entendre.
Paradoxalement, c’est le fait de n’avoir presque jamais été joué qui fait du « Messie » un objet de tant de fascination et de spéculations. Il incarne le potentiel pur, la promesse d’une perfection sonore jamais réalisée mais toujours imaginée.
Aujourd’hui, le « Messie » continue d’intriguer et de fasciner. Des violonistes du monde entier viennent l’admirer à Oxford, rêvant de ce que pourrait être son son. Des luthiers l’étudient, cherchant à percer les secrets de Stradivarius. Et pour le grand public, il reste un symbole de l’excellence artisanale et de la valeur inestimable que peut atteindre un objet d’art.
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