Au début du 20e siècle, le compositeur russe Alexandre Scriabine entreprit un projet révolutionnaire qui allait marquer l’histoire de la musique : le clavier à lumières. Cette invention visait à fusionner musique et couleur en une expérience sensorielle totale.
Scriabine, connu pour ses compositions avant-gardistes, était synesthète. Cette particularité neurologique lui permettait d’associer naturellement sons et couleurs. Pour lui, chaque note de musique correspondait à une teinte spécifique.

Do était rouge, ré jaune, mi bleu ciel, et ainsi de suite. Cette perception unique du monde sonore l’a poussé à imaginer un instrument qui pourrait traduire visuellement sa musique.
Le clavier à lumières, conçu en collaboration avec l’ingénieur Alexander Mozer, était un dispositif révolutionnaire pour son époque. Il se présentait sous la forme d’un petit clavier relié à un système de lampes colorées. Chaque touche, lorsqu’elle était pressée, déclenchait non seulement une note mais aussi l’illumination d’une couleur correspondante.

L’apogée de cette innovation devait être la performance de « Prométhée : Le Poème du Feu« , une œuvre symphonique composée spécialement pour être jouée avec le clavier à lumières. Scriabine imaginait une salle de concert plongée dans l’obscurité, où musique et lumières danseraient ensemble, créant une expérience immersive totale pour le public.
Malheureusement, la technologie de l’époque n’était pas à la hauteur des ambitions de Scriabine. Les premières représentations de « Prométhée » avec le clavier à lumières furent des échecs techniques, les lumières étant trop faibles pour être clairement perçues par le public. De plus, la mort prématurée de Scriabine en 1915 mit fin à ses expérimentations dans ce domaine.
Malgré ces revers, l’idée de Scriabine était en avance sur son temps. Son clavier à lumières peut être considéré comme un précurseur des spectacles son et lumière modernes et des installations artistiques multimédia. Il a ouvert la voie à de nouvelles façons de penser l’interaction entre musique et arts visuels.
Aujourd’hui, l’héritage de Scriabine et de son clavier à lumières continue d’inspirer artistes et chercheurs. Des versions modernes de son invention ont été créées, utilisant la technologie numérique pour réaliser la vision du compositeur. Ces expériences contemporaines nous rappellent que le rêve de Scriabine d’une fusion totale entre son et couleur reste vivant et pertinent dans notre ère multimédia.