L’histoire de la musique classique regorge d’anecdotes fascinantes, mais peu sont aussi macabres et intrigantes que celle de la tête vagabonde de Joseph Haydn. Ce compositeur autrichien, considéré comme le « père de la symphonie », a connu une existence post-mortem pour le moins mouvementée, du moins en ce qui concerne son crâne.
Joseph Haydn s’est éteint paisiblement à Vienne le 31 mai 1809, à l’âge respectable de 77 ans. À l’époque, l’Europe était en plein tumulte des guerres napoléoniennes, et Vienne venait d’être occupée par les troupes françaises. Malgré ce contexte troublé, Haydn reçut des funérailles dignes de sa renommée. Son corps fut inhumé dans le cimetière Hundsturm, dans la banlieue de Vienne.
C’est là que commence l’étrange odyssée de son crâne. Quelques jours après l’enterrement, deux hommes, Joseph Carl Rosenbaum et Johann Nepomuk Peter, tous deux amis et admirateurs de Haydn, eurent l’idée saugrenue de s’emparer de la tête du compositeur. Leur motivation ? Un mélange de fascination pour la phrénologie (une pseudo-science qui prétendait déterminer le caractère et les aptitudes d’une personne d’après la forme de son crâne) et un désir malsain de posséder une relique de leur idole musicale.
Dans la nuit du 31 mai au 1er juin 1809, les deux hommes soudoyèrent le fossoyeur et exhumèrent le corps de Haydn. Ils décapitèrent le cadavre et emportèrent la tête, laissant le reste du corps dans sa tombe. Le crâne fut ensuite nettoyé et placé dans une boîte noire élégante, doublée de velours.

Pendant les années qui suivirent, le crâne de Haydn passa de main en main. Rosenbaum le garda d’abord chez lui, l’exposant fièrement à ses invités. Sa femme, une ancienne élève de Haydn, était moins enthousiaste et cachait souvent la relique macabre sous son matelas lorsque la police venait perquisitionner, à la recherche du crâne volé.
L’affaire prit une tournure encore plus étrange en 1820, lorsque le prince Nikolaus Esterházy II, ancien mécène de Haydn, décida de transférer les restes du compositeur dans un mausolée plus digne, sur ses terres à Eisenstadt. C’est alors qu’on découvrit que la tête manquait. Malgré les efforts du prince pour récupérer le crâne, Rosenbaum et ses complices réussirent à le garder, allant jusqu’à rendre un faux crâne pour tromper les autorités.
Le crâne continua son voyage, passant entre les mains de différents collectionneurs et institutions. En 1895, il fut légué à la Société des Amis de la Musique de Vienne, où il fut exposé dans une vitrine pendant plusieurs décennies.
Ce n’est qu’en 1954, soit 145 ans après la mort de Haydn, que l’histoire trouva enfin son dénouement. Les autorités autrichiennes décidèrent de réunir le crâne avec le reste du corps à Eisenstadt. Une procession solennelle fut organisée, et le crâne fut placé dans un reliquaire néo-roman avant d’être enterré avec le reste du squelette dans le mausolée de l’église de la Montagne (Bergkirche).
Cette histoire rocambolesque soulève de nombreuses questions éthiques et culturelles. Elle reflète les attitudes changeantes envers la mort et la mémoire des grands artistes au fil du temps. Au début du XIXe siècle, il n’était pas rare que les admirateurs cherchent à posséder des reliques de leurs idoles, une pratique qui nous semble aujourd’hui morbide et irrespectueuse.
L’affaire du crâne de Haydn illustre également la fascination de l’époque pour la phrénologie, une théorie aujourd’hui totalement discréditée mais qui était alors considérée comme scientifique. Les voleurs du crâne espéraient probablement y trouver les secrets du génie musical de Haydn.
Paradoxalement, cette histoire macabre a contribué à maintenir vivante la mémoire de Haydn au fil des décennies. Chaque rebondissement dans l’affaire du crâne ramenait l’attention sur le compositeur et son œuvre, assurant une forme d’immortalité inattendue à celui qui avait révolutionné la musique classique.
Aujourd’hui, lorsque les visiteurs se rendent sur la tombe de Haydn à Eisenstadt, peu imaginent le voyage extraordinaire qu’a connu le crâne du compositeur. Cette histoire, aussi étrange soit-elle, fait désormais partie intégrante de la légende de Haydn, ajoutant une touche de mystère et d’intrigue à la biographie d’un des plus grands compositeurs de l’histoire de la musique.
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